Irlandais de Nantes

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L'expression « Irlandais de Nantes » désigne une communauté, formée au cours du XVIIe siècle et très importante au XVIIIe, de réfugiés politiques jacobites fuyant les violences des révolutions anglaises du XVIIe siècle, en particulier la Glorieuse Révolution de 1688. Cette communauté a ensuite essaimé sur l'île de Saint-Domingue et dans les ports de Bordeaux et de La Rochelle.

Historique[modifier | modifier le code]

Les réfugiés irlandais à Nantes[modifier | modifier le code]

Ce sont pour une grande part des aristocrates, rompus au maniement des armes et à la direction des soldats ; ils vont se lancer, avec leurs descendants, dans le grand commerce colonial avec les Antilles, parfaitement s'intégrer dans la ville de Nantes, multiplier les mariages avec des filles de la noblesse locale, et créer de nombreuses compagnies coloniales françaises, parmi lesquelles les premiers opérateurs de la traite négrière. En Irlande, ces émigrés en France seront appelés les oies sauvages par leurs détracteurs.

Le port de Nantes est le premier port d'attache de leur flotte. Sur 60 raisons sociales de maisons de commerce jacobites en Europe au milieu du XVIIIe siècle, les deux tiers sont hébergées dans quatre ports : une douzaine dans l'ensemble StockholmGöteborg (mais essentiellement des filiales), 12 à Nantes, 9 à Bordeaux et 8 à Cadix[1].

On trouve aussi un assez grand nombre de prêtres. En 1695, l'évêque de Nantes leur accorde l'usage de sa résidence d'été, le manoir de la Touche, qui va devenir le séminaire des prêtres irlandais de Nantes[2], actif jusqu'à la Révolution. Au même moment, trois évêques exilés, Messeigneurs Barry, O'Keeffe (en) et Comerford, respectivement évêques de Cork, de Limerick et de Waterford[2], de la communauté des Irlandais de Nantes, habitent la ville.

Enfin, on trouve des personnes de rang moyen ou modeste, qui occupent souvent des emplois en rapport avec le commerce maritime : capitaines ou pilotes, mais aussi tonneliers, voire portefaix.

Trois générations d'Irlandais de Nantes[modifier | modifier le code]

La puissance des Irlandais de Nantes n'a cessé d'augmenter, si l'on observe le parcours des membres des trois générations qui les représentent :

  • La première génération, celle de Nicolas Luker, Paul Sarsfield, André Géraldin et Nicolas Lée, émigrée en France dès le milieu du XVIIe siècle, après les combats de la grande rébellion de 1641 contre les colons irlandais et écossais, pourront accueillir leurs concitoyens irlandais à la suite des conflits ayant suivi la Glorieuse Révolution anglaise de 1688 et le traité de Limerick de 1691. Cette vague n'est pas propre à Nantes. L'historien Gabriel Audisio raconte que dans l'armée du duc de Savoie et du marquis de Pianezza, qui participe à la répression des Pâques vaudoises de 1655, on trouve des soldats catholiques irlandais victimes de Cromwell[3].
  • La troisième génération se compose des époux des filles de Luc O'Shiell, les armateurs négriers Antoine Walsh et Jean II Stapleton, ou de Jean-Baptiste Mac Nemara, mari de la fille de Jean Ier Stapleton. Ils disposent de fortunes considérables, investissent dans l'immobilier et organisent des tentatives de renversement du gouvernement britannique, au départ de France.

Les Irlandais hors de Nantes[modifier | modifier le code]

La communauté des irlandais expatriés est aussi très présente à Bordeaux, où, dès 1715, elle a développé un important commerce de bœuf salé avec l'Irlande, qui permet d'approvisionner en réserves alimentaires les équipages marchands et les colonies[7]. Le bœuf salé est alors en concurrence avec le poisson salé venu de Terre-Neuve, qui représente pour les seules Antilles un marché de 4,5 millions de livres.

Vers 1725, Thomas Barton, né à Curraghmore (en), en Irlande, en 1694 quitta son pays pour Bordeaux et s'y consacra au commerce des vins*. Son fils William et ensuite son petit-fils Hugh (1766-1854) lui succédèrent. Son arrivée est liée à "l'installation à Bordeaux d'une colonie très active de commissionnaires irlandais spécialisés dans l'exportation des grands crûs", en échange de salaisons venues d'Irlande[8].

Le Finistère, les Côtes-d'Armor, la région de Rennes... voient également l'arrivée de vagues d'exilés irlandais aux XVIIe et XVIIIe siècle.

Les institutions[modifier | modifier le code]

Le collège de Nantes, autour de 1680, dépendait de l’Université de Nantes et s’adressait aux étudiants de toute l’Irlande. Pendant un temps, il fut le plus important après Paris, avec 80 étudiants[9],[10].

Personnalités[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alain Croix dir., Nantais venus d'ailleurs, Histoire des étrangers à Nantes des origines à nos jours, Nantes-Histoire/Presses universitaires de Rennes, 2007, pages 30-36.
  • David Dickson, Jan Parmentier et Jane H. Ohlmeyer, Irish and Scottish Mercantile Networks in Europe and Overseas
  • Patricia Dagier, Les Réfugiés Irlandais au XVIIe siècle en Bretagne
  • Alain Le Noac'h, Éamon Ó Ciosáin, Immigrés irlandais en Bretagne (XVIIe) - tome 3, Institut Culturel de Bretagne
  • Patrick Clarke de Dromantin, Les réfugiés jacobites dans la France du XVIIIe siècle: l'exode de toute une noblesse "pour cause de religion", Presses Univ de Bordeaux,
  • Claude Frédéric Lévy, Capitalistes et pouvoir au siècle des lumières, Mouton,
  • Jean-Yves Barzic, L'hermine et le Soleil: les Bretons au temps de Louis XIV, Coop Breizh,
  • Guy Martinière, Didier Poton et François Souty, D'un rivage à l'autre: villes et protestantisme dans l'aire atlantique (XVIe – XVIIe siècles) : actes du colloque organisé à La Rochelle, Université de La Rochelle, Imprimérie nationale,

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Chaussinand-Nogaret, Guy, « Une élite insulaire au service de l'Europe : les jacobites au XVIIe siècle », Annales, Persée, vol. 28, no 5,‎ , p. 1097–1122 (DOI 10.3406/ahess.1973.293410, lire en ligne, consulté le ).
  2. a et b https://www.jstor.org/pss/30097685
  3. « http://stephanemantoux.unblog.fr/2008/11/10/ »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?)
  4. "Les réfugiés jacobites dans la France du XVIIIe siècle", par Patrick Clarke de Dromantin, aux Presses Univ de Bordeaux, 2005, page 142
  5. "Les réfugiés jacobites dans la France du XVIIIe siècle", par Patrick Clarke de Dromantin, aux Presses Univ de Bordeaux, 2005, page 143
  6. « The buccaneers in the west indies in the xvii century », sur thepirateking.com (consulté le ).
  7. Butel, Paul, « Succès et déclin du commerce colonial français, de la Révolution à la Restauration », Revue économique, Persée, vol. 40, no 6,‎ , p. 1079–1096 (DOI 10.2307/3501980, lire en ligne, consulté le ).
  8. Jean-Pierre Méric, De Ségur à Phélan : histoire d'un vignoble du Médoc, , 336 p. (ISBN 978-2-86781-436-5, lire en ligne), p. 135
  9. Généalogie [1]
  10. "L’exil jacobite irlandais et l’Ouest de la France (1691-1716)", par Diego TELLEZ ALARCIA Doctorant 2, Université de La Rioja [2]
  11. a et b (en) David Dickson, Jan Parmentier et Jane H. Ohlmeyer, Irish and Scottish Mercantile Networks in Europe and Overseas in the Seventeenth and Eighteenth Centuries, , 319 p. (ISBN 978-90-382-1022-3, lire en ligne), p. 149.